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Vivre une expérience spirituelle inoubliable

S. Gilberte Bussières, CND

Retour sur 58 jours de captivité

« Quand on n’a rien, on découvre que Dieu est tout ce qu’il nous faut », a affirmé S. Gilberte Bussières, cnd, lors de sa conférence devant un auditoire attentif à la Maison Jésus-Marie, à Longueuil, en avril dernier.

Venue rencontrer ses « voisines » de cœur et d’esprit, sœur Gilberte a raconté les péripéties de son enlèvement et de ses 58 jours de captivité dans le dénuement le plus total avec ses deux compagnons d’infortune. Expliquant avec moult détails les premiers instants de cet enlèvement vers 23 h, le 4 avril 2014, sœur Gilberte a vécu l’angoisse d’une première nuit de captivité, en robe de nuit, sans souliers et seule, parmi sept hommes armés dans l’automobile volée à la mission où elle résidait.

Inquiète et sous le choc, elle s’est réfugiée dans la prière en répétant souvent le psaume 15 et en s’abandonnant au plan de Dieu. C’est seulement lors d’un arrêt nécessaire des kidnappeurs qu’elle a réalisé qu’elle n’était pas seule dans la même galère. Les deux prêtres italiens enlevés le même soir, dans une mission pas très loin de la sienne, ont découvert son existence et négocié avec les ravisseurs afin qu’elle puisse se retrouver dans le même véhicule qu’eux. Le reste du périple, bien qu’éprouvant, a été un peu plus rassurant.

Vivre dans le dénuement total

Leur arrivée au camp nigérien dans les heures de l’après-midi leur a fait vivre un autre choc. Outre le fait qu’ils n’avaient rien pour se mettre à l’abri, ils ont reçu comme cadeau de bienvenue, un sac de 10 kilos de spaghetti nigérien, de la pâte tomate et un bidon d’eau qui sentait et goûtait le pétrole. « Nous avons alors pris conscience qu’on serait là pour longtemps. »

Même si tout pouvait les porter au découragement, sœur Gilberte a gardé la foi. « Nous n’avons pas voulu cette situation. Nous ne pouvons pas la changer. À nous de changer notre attitude face à cette situation », a-t-elle répété à ses compagnons de captivité. Ils ont réussi, peu à peu, à s’organiser, dès la première nuit, en s’abritant près des arbres. Toutefois, qui dit vivre sous les arbres, peut être surpris par des colonies de fourmis noires, des serpents et autres bestioles… « Nous avons eu beaucoup de difficulté à dormir la nuit », raconte-t-elle tout en soulignant qu’ils avaient baptisé leur lieu d’infortune, « l’auberge aux mille étoiles »!

Les premiers jours ont été consacrés à l’organisation pure et simple de leur vie. Baliser un sentier dans la forêt par tranche de 50 mètres, pour leur permettre de marcher quotidiennement alors que deux d’entre eux n’avaient pas de souliers. « Nous partagions la parole de Dieu pendant nos marches quotidiennes de 8 à 10 kilomètres. »

Une expérience de foi, d’espérance et d’abandon

Au cours de ces marches, les trois captifs ont partagé leur histoire de vie et mis leurs talents à contribution. L’un s’est occupé de partir un feu à même les blocs de terre, tandis que sœur Gilberte tenait un journal à même les papiers et emballages récupérés d’un sac d’objets volés par les ravisseurs. De ces notes, les prêtres italiens en ont fait un livre qui est paru déjà en italien et qui devrait être publié en français, à l’automne.

Frappée par la diarrhée dès les premières journées de sa captivité, sœur Gilberte n’a pas perdu espoir même si elle s’inquiétait des effets de cette situation sur son état de santé.  « Pas de papier toilette, un bidon d’eau par jour que l’on doit rationner et un savon pour nous trois », illustrent assez bien le dénuement vécu par les captifs.

« Nous avons été capables de vivre 58 jours dans ce dépouillement matériel total grâce à notre foi, à notre espérance et notre abandon », mentionne sœur Gilberte. Elle ajoute « nous n’avons jamais goûté autant la présence de Dieu. Ce fut une expérience spirituelle extraordinaire et inoubliable », affirme celle qui se consacre désormais davantage à la prière, ne pouvant plus retourner en mission au Cameroun.

Regarder les gardiens « avec les yeux de Dieu »

Malgré le dénuement et les nombreuses difficultés vécues dans ce camp d’infortune, sœur Gilberte n’exprime aucune colère ou critique à l’égard de ses gardiens. « Ce sont des jeunes sans espoir. Âgés entre 14 et 25 ans, ils ne sont pas méchants. Ils n’ont rien et peuvent facilement être embrigadés. »

L’attitude et la gentillesse des trois captifs envers leurs gardiens leur ont ainsi permis d’obtenir parfois quelques petites bontés… telles que d’avoir droit à une cuillérée de thé de miel, un peu de sucre et même, 7 sachets de thé achetés par leurs geôliers, à même leur maigre salaire. « Ma grande consolation est d’avoir réussi à nous en faire des amis. »

Pour combattre les moments de découragement, les trois captifs se sont accrochés aux journées de fête et aux saints en se répétant qu’aujourd’hui serait la journée de la bonne nouvelle. Il leur a fallu attendre la fête de la Visitation, pour que la situation change. « Une journée où c’est certain que toutes les sœurs de la Congrégation Notre-Dame et d’autres, vont prier pour notre libération », assurait-elle.

La libération non sans peine…

L’espoir s’est concrétisé le 31 mai 2014 alors que le grand patron s’est présenté au camp pour leur faire savoir qu’il y aurait de bonnes nouvelles à 4 heures de l’après-midi, en leur apportant pour la première fois, des bouteilles d’eau pour chacun. Les prisonniers ont vécu les affres de l’attente, la crainte de voir les négociations échouées avec la menace sous-jacente de retourner en captivité après un périple de plus d’une demi-journée de route dans des conditions extrêmes, sans manger.

Alors qu’ils étaient finalement libérés et ramenés vers la capitale pour aller rencontrer les autorités dont le président du Cameroun, ce n’est pas sans un pincement au cœur qu’ils sont passés devant leurs missions, sans pouvoir s’y arrêter pour récupérer leurs effets personnels et surtout saluer, leurs amis et connaissances. Avant d’être séparés et dirigés vers leur ambassade respective où on les a mitraillés de questions, les trois rescapés n’ont pas manqué de partager leurs dernières impressions.

« Nous allons vite oublier notre dépouillement matériel total mais jamais nous ne pourrons oublier notre expérience spirituelle ni toute la délicatesse, le respect et la fraternité qui nous ont unis. »

Note : Sachant que le Canada ne paie aucune rançon, les raisons de leur libération restent inconnues du public et des trois rescapés.
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