Dialogue interreligieux : Qui est Dieu selon la foi musulmane?

Membre du Barreau de Montréal, médiatrice familiale et musulmane, Madame Samia Amor était la conférencière invitée à la troisième rencontre « dialogue interreligieux » tenue le 30 mars dernier à la Résidence Marie-Rose Durocher. Quelque 25 sœurs et personnes associées des Sœurs des Saints Noms de Jésus et de Marie (SNJM) ont participé à cette journée leur permettant de faire la découverte d’Allah dans le Coran, dans la doctrine religieuse et dans la pensée féministe. Elle a terminé son intervention en parlant d’Allah dans sa vie.

Allah dans le Coran

Dès le début de son intervention, la conférencière fait une mise en situation claire. Le mot Allah signifie « l’unique ».

Le Coran contient 12 chapitres (sourates) avec versets. On y trouve des dialogues et des récits où Dieu se raconte.  Ce n’est pas un récit linéaire. On parle plutôt d’une logique transversale.

Dans l’une des sourates, Allah est la lumière des cieux et de la terre. Il n'a pas de forme, pas de corps. Ses principaux attributs sont: miséricordieux et compatissant. Tous les chapitres du Coran ont cette formule. On l'évoque dans chaque prière.

Allah est un nom générique. Il est singulier, unique et sans genre. Il est Seigneur (puissant) et Maître (enseignant). On lui attribue les plus beaux noms. Il en a 99! En voici quelques-uns : l'unique, le très miséricordieux, le TOUT miséricordieux, la paix, la sécurité, le salut, le fidèle, le sécurisant, le tout-puissant qui contrôle tout...

Dans la religion musulmane, on reconnaît cinq temps de prière : matin, l'avant-midi, l'après-midi, le soir et avant le coucher. Chaque prière est précédée d'une ablution. Cependant le Coran ne dit pas comment prier.


Allah dans la doctrine religieuse

Samia Amor poursuit ses explications avec un bref survol de l’histoire de l’islam en abordant également les deux courants, apparus aux VIIIe et IXe siècles de l’ère chrétienne. Deux éléments attirent l’attention. Tout d’abord, la signification du mot « islam », soit « soumission » dans le sens de « se confier à Dieu ».  

Le second insiste sur le fait que tout est basé sur une relation de confiance. Il n’y a pas de théologie dans l’islam telle qu’on le conçoit en Occident. L’existence de Dieu dans l’islam est un postulat. On ne le questionne pas.

C’est sur la question de la diffusion du message que l’on verra naître deux courants identifiés comme « courants des sciences de la Parole ».

Le  mu'tazilime (rationalistes)

Le XIIIe siècle voit naître l’école spéculative et l’établissement d’une doctrine califale. Le mu’tazilisme se caractérise par l’introduction d’une approche rationnelle dans la compréhension du phénomène religieux. Cette pensée promeut la raison et l’existence d’une volonté humaine libre et autonome. On affirme la liberté individuelle et la justice divine (compassion et pardon).

L'a'shrarisme

Ce deuxième courant forge, en opposition au rationalisme des mu’tazilites, une doctrine de la toute-puissance divine.  Il affirme la primauté de la Révélation sur la raison. La raison est au service de la Révélation et se porte à sa défense. Dans cette perspective, l’être humain est déterminé dans ses actes, c’est-à-dire que la volonté divine est à l’origine de toute chose, y compris de l’acte humain.

Ce courant a stimulé entre autres, des écoles juridiques classiques sunnites et le mouvement contemporain wahabite. Ces écoles ont créé un dogmatisme.

Scission sunnites – chiites

Comment expliquer tout cela? S’agit-il d’une succession califale dans un cas de message prophétique? La conférencière nous signale qu’il n'y a pas de succession du prophète. Ce prophète avait quatre filles et un gendre, Ali.

Les compagnons du prophète se sont proclamé « califes ». La transmission du pouvoir califal s’est faite par cooptation. Les compagnons ont désigné un premier successeur.  Ce dernier a régné deux ans avant de désigner le deuxième calife, qui a lui-même choisi le troisième.

De l'autre côté, il y avait les filles et le gendre.  Ils ont nommé le gendre, puis ils l'ont assassiné.  De là, il y a eu une scission: les sunnites et les chiites.  Cette division politique et territoriale est venue de l'a'shrarisme, où s'est formée une branche: le wahabisme (Arabie saoudite opposée à l'Iran).  Dans sa dimension politique, cette branche représente l'islam conservateur et littéraliste. Ce mouvement essaie de conquérir des territoires entre autres, ceux des chiites.  Le terrorisme est, en partie, lié à cette dynamique.


Allah chez les féministes islamiques

Samia Amor aborde rapidement la question du courant féministe jugé pragmatique. Né en Iran, en opposition à l’ayatollah Khomeini, ce courant ne fait pas d’Allah, un objet de discussion. Il porte davantage sur des préoccupations plus concrètes, telles que :

  • Promotion de l'égalité des sexes et de la justice sociale
  • L'imamat des femmes
  • L'incursion dans l'interprétation par les femmes et fissure dans le monopole masculin

Témoignage

Dans la dernière partie de sa conférence, Samia Amor a parlé de la présence d’Allah dans sa vie. « Pour moi, Dieu est un guide et je suis l'enseignée. Le Coran est un mode de vie, un ensemble de balises et de comportements. Dieu me guide à travers le Coran, il est le maître. »

Elle explique que les commandements dans le Coran, se rapportent à Dieu et aux autres. On adore Dieu à travers la prière et les invocations. La religion se vit à travers cinq piliers où l'on reconnait Dieu et son prophète. L’un de ces piliers est celui de la prière.

« À chaque heure, on doit faire 10 à 20 minutes de lecture du Coran ou d'invocations. « C'est une façon, tout au long de la journée, de rester en relation avec Dieu », souligne-t-elle. « Dieu est présent dans ma vie à travers la prière.  C'est un rendez-vous qui me permet de me questionner sur mon agir.  Ce moment permet un recul par rapport à ce qui s'est passé. La prière est un guide justement parce qu'elle permet cette distance sur l'événement pour le comprendre. »  

Elle a parlé également de la zakat, cette obligation religieuse, liée à la justice sociale qui consiste à distribuer aux pauvres, 10 % de ses revenus. En ce qui concerne le jeûne, autre pilier de l’islam, Samia Amor précise que le Ramadan est une obligation relative. Dans les cas où on ne peut jeûner, on donne à autrui. Quant au pèlerinage à La Mecque, ce n’est pas une obligation, sauf si la personne a les moyens et la santé pour le faire.  

 « Pour moi ma vie a un sens et c'est capital. Chacun de mes gestes, qu'il soit négatif ou positif a un sens. Cette façon de faire est rattachée à un principe du Coran: pas seulement de la bienveillance mais de la bienséance, c'est une obligation. »

La conférencière reconnait que toutes les religions ont une facette du visage de Dieu. Pour elle, Marie est une figure fondamentale, axiale, prophétesse et Jésus est son fils. Chez les musulmans, Marie est un modèle de croyante parce que, même étonnée par l’Annonciation, elle a accepté de s'abandonner à Dieu.

Qu’est-ce que la charia?

À la fin de sa conférence, une des questions posées portait sur la charia. Madame Amor a affirmé que cela n’existait pas dans le Coran. Insistant sur le fait qu’il n’y a aucun code appelé « charia », elle a expliqué son origine par une doctrine construite à partir des opinions des uns et des autres. Ces éléments auraient été inclus dans la formation des imams à un moment donné. Elle a insisté sur le fait qu’on parle d’éthique en ce qui concerne la femme et le mariage dans le Coran, sans avoir de loi.

La journée, organisée par le Comité d'animation spirituelle des SNJM du Québec, s’est poursuivie avec un moment de prière à la chapelle. Les participantes ont pu communier à la spiritualité de l’islam par des prières réunissant la perception de Dieu de l’islam à celle des chrétiens. Des moments précieux et très enrichissants pour l’ensemble des participantes.

         Source : Sr Constance Létourneau

         Reportage photos : Sr Yolande Dufresne